Petition

Assemblée Générale de l’ONU

Commission des questions politiques spéciales et de la décolonisation

(Quatrième Commission)

78ème session – 3-6 octobre 2023

(Pétition du Comité belge de soutien eu peuple sahraoui – EUCOCO)

Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs,

L’EUCOCO est une organisation réunissant des associations de Droits de l’Homme, des syndicats, des juristes de Droit Internationales, des chercheurs universitaires, des ONGs et les Comités de soutien au peuple sahraoui émanant d’une quarantaine d’États en Europe.

En Europe, certains espèrent que la cause du Sahara Occidental et du peuple sahraoui devienne une cause oubliée, mais cette cause juste bénéficie d’un très large mouvement de solidarité sur le continent européen, tout comme elle l’est en Afrique et en Amérique latine. Vous devez l’entendre et y être attentif.

L’illégalité de l’occupation du Sahara Occidental par le Maroc au regard du droit international trouve confirmation dans les résolutions de l’AGNU qui se sont succédées depuis 40 ans, et dans les arrêts de la Cour de justice de l’UE et de la Cour africaine des droits humains et des peuples: le Maroc est bien une puissance occupante et les Nations Unies n’ont jamais reconnu au Maroc le titre de puissance administrante du Sahara Occidental.

Il y a plus de 30 ans, le Conseil de Sécurité de l’ONU a déployé la Mission des Nations Unies pour l’Organisation d’un Référendum au Sahara Occidental (MINURSO) sur le territoire (rés. 690 du 19 April 1991).

Il y a plus de 20 ans, la MINURSO a publié la liste des électeurs admissibles au référendum, en excluant, à raison, les milliers de Marocains non considérés comme Sahraouis. En effet, il ne faut pas confondre « Peuple du Sahara Occidental » (qui est le peuple sahraoui) et « les populations au Sahara Occidental » (qui comprend les colons de la puissance occupante marocaine).

L’ONU est la gardienne et la garante mondiale du droit international. Nous sommes ici pour rappeler à l’ONU ses obligations en la matière face à une colonisation du Sahara Occidental par le Maroc. État marocain, premier pays africain qui, en totale contradiction avec la Résolution AGNU XV 14 de 1960, colonise, occupe, a construit un mur de 2 720 km, pille les ressources naturelles du territoire illégalement occupé, emprisonne et viole les droits humains des populations sahraouie qui lui résistent.

Blocage politique, pillage économique

Profitant du blocage politique orchestré par les pays dits « amis du Maroc », et ce, malgré le conflit armé repris en 2020, le Maroc poursuit depuis des années son pillage économique du Sahara Occidental, par l’extraction à son profit du sous-sol riche en phosphates, en terres rares et en pêchant massivement dans les eaux territoriales du Sahara Occidental parmi les plus poissonneuses au monde.

Ce pillage économique se déroule en réalité avec la complicité de l’Union européenne, qui a signé un accord de partenariat commercial avec le Maroc, prévoyant une libéralisation progressive des échanges commerciaux entre I’UE et le Maroc pour les produits agricoles, les produits agricoles transformés, le poisson et autres produits de la pêche.

Pourtant, la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE) a explicitement statué dans son arrêt du 29.9.2021[2] que « la Cour a déduit du principe d’autodétermination et du principe de l’effet relatif des traités des obligations claires, précises et inconditionnelles s’imposant à l’égard du Sahara Occidental dans le cadre des relations entre l’Union et le Maroc, à savoir, d’une part, le respect de son statut séparé et distinct et, d’autre part, l’obligation de s’assurer du consentement de son peuple en cas de mise en œuvre de l’accord d’association sur ce territoire. » Par cet arrêt, la CJUE a également annulé les accords de partenariat entre le Maroc et l’UE. Suite au pourvoi de la Commission et du Conseil UE, la Cour se prononcera définitivement sur ce cas à la fin du 2023 ou au début du 2024.

La CJUE a été claire sur cette affaire : Le Sahara Occidental a un statut distinct et séparé du Maroc, tout genre d’activités menées sur le territoire sahraoui doit avoir le consentement du peuple sahraoui et le Front Polisario (mouvement de libération sahraoui, reconnu par la Cour) a la capacité d’agir devant les juges de l’Union européenne en tant que seule représentant du peuple sahraoui.

Comme la CJUE, la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples (CADHP), en septembre 2022, a statué que « l’occupation continue de la RASD par le Maroc est incompatible avec le droit à l’autodétermination du peuple de la RASD, tel que consacré par l’article 20 de la Charte, et constitue une violation de ce droit »[3]. Ce tribunal, comme la CJUE, a reconnu le Sahara Occidental comme un territoire occupé.

De son côté, l’Envoyé spécial du Secrétaire Général des Nations Unies pour le Sahara Occidental, l’Ambassadeur Staffan de Mistura, poursuit ses efforts en vue de réunir le Front Polisario et le Maroc autour de la table des négociations, visant à permettre au peuple sahraoui d’exercer son droit à l’autodétermination. Ce n’est que tout récemment, après deux ans de négociations, qu’il a pu visiter les territoires occupés du Sahara Occidental. Ce retard est dû à l’ensemble des obstacles mis délibérément par les autorités marocaines à cette visite. Si la communauté internationale plie devant l’ensemble des exigences et manœuvres marocaines, les efforts de l’Envoyé spécial risquent bien de se révéler vains.

Violation des droits humains dans les territoires occupés et violation des droits fondamentaux des prisonniers politiques sahraouis au Maroc

Les violations des droits humains au Sahara Occidental sont, désormais, à l’ordre du jour. La répression, les agressions et les arrestations arbitraires par les forces d’occupation marocaines des activistes et des défenseurs des droits humains sahraouis continuent dans l’indifférence totale de la communauté internationale. Les autorités marocaines continuent à empêcher les rassemblements de soutien à l’autodétermination sahraouie et ont fait obstruction au travail de plusieurs groupes locaux de défense des droits humains, notamment en bloquant leur accréditation[4]. Les derniers communiqués des associations CODESA et ASVDH confirment les derniers actes de répressions des forces marocaines sur des sahraouis qui manifestaient pacifiquement à l’occasion de la visite de M. de Mistura au Sahara Occidental.

De plus, il faut signaler le cas de la militante des droits humains Sultana Khaya, et de sa famille. Sultana Khaya et plusieurs membres de sa famille ont été de facto assignés à résidence depuis le 19 novembre 2020 dans leur maison de Boujdour, au Sahara occidental. À de nombreuses reprises depuis novembre 2020, Sultana Khaya, sa mère et ses sœurs ont subi de violentes attaques, ayant été physiquement agressées par les forces d’occupation marocaines lorsqu’elles ont tenté de quitter leur maison, entraînant notamment des blessures graves pour Sultana Khaya et une de ses sœurs. Le 10 mai 2021, les forces d’occupation ont mené un assaut contre la maison de Sultana Khaya quand elle a commencé à mener une campagne intitulée “Mon drapeau sur le toit” ; ils ont menotté sa sœur aux poignets et aux chevilles et volé des objets de valeur, notamment le téléphone et l’ordinateur de Sultana Khaya. Deux jours plus tard, le 12 mai, des dizaines de membres des forces d’occupation au visage masqué ont fait irruption au domicile de Sultana Khaya, l’ont agressée, ont tenté de la violer, et ont violé sa sœur. Le 15 novembre 2021, plusieurs dizaines de membres des forces d’occupation marocaines en civil ont à nouveau fait irruption au domicile de la militante sahraouie, l’ont violée et ont agressé sexuellement ses sœurs et sa mère.[5] La militante et sa famille ont eu la possibilité de quitter leur maison seulement vers la fin du 2022.

Au niveau des prisonniers politiques sahraouis, dix-neuf hommes sahraouis sont restés en prison après avoir été condamnés en 2013 et 2017, au terme de procès iniques, pour avoir participé au vaste campement pacifique de protestataires à Gdeim Izik, au Sahara Occidental. En juin 2022, 18 d’entre eux ont déposé une plainte contre le gouvernement marocain auprès du Groupe de travail des Nations Unies sur la détention arbitraire, affirmant avoir été victimes de torture et de répression politique[6].

Plusieurs prisonniers ont mené diverses grèves de la faim afin de revendiquer leurs droits fondamentaux qui sont bafoués chaque jour par les autorités pénitentiaires marocaines. La dernière a été menée par le prisonnier Mohamed Lamine Haddi en août et septembre 2023. Il a protesté contre ses mauvais traitements de l’administration pénitentiaire et la violation de ses droits fondamentaux. L’administration pénitentiaire a exercé  pressions et chantages sur lui pour qu’il renonce à son statut de détenu politique en échange de pouvoir bénéficier de soins et de médicaments dans un hôpital public extérieur de la prison. Suite à son action, les autorités pénitentiaires lui ont finalement accordé une visite médicale et de contrôle de sont oreille gravement malade.

En juin 2022, quatre plaintes contre le Maroc ont été déposées devant le Comité contre la torture des Nations unies, concernant quatre prisonniers sahraouis, enfermés depuis 2010 dans les geôles marocaines. Le Comité, en février 2023, a publié sa décision sur ce sujet en statuant : « le Comité, agissant en vertu de l’article 22 (par. 7) de la Convention, est d’avis que les faits dont il a été saisi font apparaître une violation par l’État partie (Maroc) des articles 2 (par. 1), 11, 12, 13, 14 et 15, lus conjointement avec l’article 1er de la Convention ».[7] Le Comité a confirmé tous les cas de torture et violations des droits humains des prisonniers sahraouis.

A cet égard, nous vous proposons les recommandations suivantes:

(1) Nous recommandons que la Quatrième Commission prenne dûment note de la jurisprudence de l’Union Européenne et de l’Union Africaine rendue disponible au cours des six dernières années ;

(2) Nous recommandons que la Quatrième Commission étudie elle-même les nombreux cas de violations des droits humains dans les territoires occupés du Sahara Occidental et qu’elle se préoccupe des pillages des ressources naturelles du Sahara Occidental. Elle se doit de faire appel en ce sens au soutien et la participation de l’Assemblée Générale dans ce travail ;

(3) Nous recommandons que la Quatrième Commission fasse pression sur le Maroc afin de faire respecter le droit international humanitaire et demander la libération immédiate de tous les prisonniers politiques sahraouis ;

(4) Nous recommandons que la Quatrième Commission Fasse pression sur les membres du Conseil de sécurité afin d’élargir le mandat de la MINURSO aux questions des droits humains dans les territoires occupés du Sahara Occidental .


[1] Chargé de projets de l’ASBL Forum Nord-Sud, Coordinateur et Secrétaire de l’EUCOCO.

[2] CJUE, 29 septembre 2021, Arrêts dans l’affaire T-279/19 et dans les affaires jointes T-344/19 et T 356/19 Front Polisario/Conseil

[3] Affaire Bernard Anbataayela Mornah Contre République du bénin, Burkina faso, République de côte d’ivoire, République du Ghana, République du Mali, République du Malawi, République de Tanzanie, République tunisienne. Requête n° 028/2018, arrêt 22 septembre 2022

[4] https://www.hrw.org/fr/world-report/2023/country-chapters/morocco-and-western-sahara

[5] https://www.amnesty.be/veux-agir/agir-ligne/petitions/sultanakhaya

[6] https://www.hrw.org/fr/world-report/2023/country-chapters/morocco-and-western-sahara

[7] Décision adoptée par le Comité au titre de l’article 22 de la Convention, concernant la communication no 999/2020

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